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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

fables, on fera de l’histoire, du socialisme, de la science. Rosny, qui a écrit le Bilatéral, Caraguel qui vous exposait si bien l’autre jour ses théories de positivisme littéraire, Octave Mirbeau dont l’art est tout enflammé d’une ardeur d’humanité, pourraient bien être parmi les meneurs d’un tel mouvement.


Avec un grand charme de simplicité, et une douceur vibrante et chantante dans la voix, M. Geffroy, le dos enfoncé dans son fauteuil, continua :

— Et puis, comme tous ceux qui nous ont précédés, on continuera à écrire les Mémoires de son esprit. Ne trouvez-vous pas que la littérature ne doit être que la continuation de la vie ? La vie passée sur la page. L’homme habite dans une énigme affreuse, en somme ; il me semble que, quand il écrit, c’est pour noter ses sensations d’éphémère, sa vision de l’existence au moment du temps où il passe. On dit que tous les sujets sont usés ! Je pense qu’au contraire tout est à faire, que tout recommence pour des yeux neufs. L’émotion, l’inquiétude de l’homme devant la nature qui existait avant lui et qui lui survit ; la passion, le désir de justice à voir les hommes en société, la tristesse de l’attachement fugace, l’artiste sent tout cela plus vivement, et s’exprime instinctivement, parle pour marquer ce rapide passage à travers les choses, pour faire vivre les êtres qu’il a aperçus, — et il parle aussi pour ceux qui se taisent… Oh ! la