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ENQUÊTE

prononcée par M. Leconte de Lisle dans mon interview avec lui, et je pris ma part de la gaieté générale. J’étais tombé au milieu d’un gracieux cercle féminin où l’on venait sans doute de parler littérature et symbolisme ; l’Écho de Paris était là à demi déplié, sur la deuxième page. Les dames partirent, non toutefois, sans que j’aie entendu :

— Oh ! vos symbolistes ! Je les exècre !

Et, comme je faisais déjà mine de chercher mon carnet, on m’interrompit, en riant :

— Mais ce n’est pas de l’interview, cela ?

— Non, madame, dis-je en riant aussi, mais c’est de la couleur… si locale !


— Considérez-vous le mouvement symboliste, — demandai-je à M. de Hérédia, quand nous fûmes seuls, — comme issu du Parnasse, ou comme une réaction ?

— C’est plutôt une réaction, me dit-il, — une réaction contre la perfection du vers parnassien. Mais il y a là une erreur, un malentendu évident où les jeunes gens sont tombés et qu’il est peut-être bon d’éclaircir. À la suite des maîtres du Parnasse est venue une génération d’élèves, d’imitateurs plutôt, et d’imitateurs naïfs qui, trouvant un moule parfait, un canon impeccable, se sont mis à produire, sans talent et sans originalité, des vers banals sur des sujets banals ; qui ont cultivé l’illusion béte que l’emploi mécanique des procédés des maîtres suffirait à en faire des poètes,