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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

qui, en un mot, ont banalisé les conquêtes que Chénier, les Romantiques et les Parnassiens, après Ronsard et toute la Pléiade, avaient faites dans la forme du vers.

Oui, la réaction symboliste me paraît provenir de ce quiproquo : que puisque la perfection de la forme et le respect des lois de la poétique avaient produit la platitude, l’insouci de la forme et le dédain des règles s’imposaient à des novateurs. De là est née cette tentative d’émeute dans la versification ; car il n’y a que cela, vous savez, au fond, dans le mouvement symboliste : une révolution de forme. Et l’étiquette de « symbolisme » ne signifie pas autre chose.

Mais (ils n’ont pas l’air de s’en douter !) bien avant eux on avait tenté cette révolution. Jean-Antoine du Baïf, Jacques Pelletier, Ponthius de Tyard, Ronsard lui-même, qui a fait des vers saphiques, ont essayé les formes du vers que les symbolistes reprennent aujourd’hui comme des nouveautés. Et ce n’est qu’après les avoir essayées toutes que Ronsard régularisa la versification, et qu’il nous a transmis, dans la préface de sa Franciade, les principes les plus nouveaux de l’art des vers. Si donc, après tous ces essais, on en est revenu à l’alexandrin, c’est qu’il y a évidemment quelques bonnes raisons pour cela.

Le vers polymorphe ! Mais l’alexandrin est le vers « polymorphe » par excellence ! Le poète qui sait son métier peut en varier les formes à l’infini, à l’aide de