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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

reconnais que quelques-uns d’entre eux ont du talent : Henri de Régnier, qui me paraît avoir de magnifiques dons de poète qui seront visibles pour tout le monde le jour où il se débarrassera des langes du symbolisme ; Viellé-Griffin dont je vous ai parlé tout-à-l’heure, Quillard, Ferdinand Hérold, le fils de l’ancien préfet de la Seine, Bernard Lazare, un brillant et solide écrivain qui fait des poèmes en prose qui seraient de très beaux vers symbolistes s’ils étaient imprimés en lignes inégales.

… Mais pourquoi diable s’appellent-ils symbolistes ? Je l’ai écrit à Moréas quand il m’a envoyé son livre : depuis que ses illustres compatriotes Orphée et Linus ont fait des odes et des chansons, tous les poètes sont symbolistes ! Et Hugo plus qu’aucun, Hugo qu’ils affectent de tant mépriser, et qui en arrivait dans sa Légende des Siècles à symboliser tout, les êtres et les choses, qui écrivait la Mer avec un grand M, les Étoiles avec un grand E. Et Alfred de Vigny ! tous, d’ailleurs, vous dis-je, tous les poètes de quelque talent sont forcément symbolistes. Qu’y a-t-il de plus symbolique que l’Hymne de l’Or, de Ronsard ? Seulement, il y en a d’obscurs et de clairs. — Dante, que je considère comme le plus grand de tous les poètes, son poème tout entier n’est qu’un symbole ! La figure seule de Béatrice contient trois ou quatre symboles. Mais jamais poète n’a écrit dans une forme plus magnifiquement claire ; les quelques obscurités que nous