Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/131

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s’était exalté les nerfs et par une association d’idées, ces livres avaient fini par refouler les souvenirs de sa vie de jeune homme, par remettre en lumière ceux de sa jeunesse, chez les Pères.

— Il n’y a pas à dire, pensait des Esseintes s’essayant à se raisonner, à suivre la marche de cette ingestion de l’élément Jésuite, à Fontenay ; j’ai, depuis mon enfance, et sans que je l’aie jamais su, ce levain qui n’avait pas encore fermenté ; ce penchant même que j’ai toujours eu pour les objets religieux en est peut-être une preuve.

Mais il cherchait à se persuader le contraire, mécontent de ne plus être maître absolu chez lui ; il se procura des motifs ; il avait dû forcément se tourner du côté du sacerdoce, puisque l’Église a, seule, recueilli l’art, la forme perdue des siècles ; elle a immobilisé, jusque dans la vile reproduction moderne, le contour des orfèvreries, gardé le charme des calices élancés comme des pétunias, des ciboires aux flancs purs ; préservé, même dans l’aluminium, dans les faux émaux, dans les verres colorés, la grâce des façons d’antan. En somme, la plupart des objets précieux, classés au musée de Cluny, et échappés par miracle à l’immonde sauvagerie des sans-culottes, proviennent des anciennes abbayes de France ; de même que l’Église a préservé de la barbarie, au moyen âge, la philosophie, l’histoire et les lettres, de même elle a sauvé l’art plastique, amené jusqu’à nos jours ces