Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/22

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Or, il est difficile, pour ne pas dire impossible, étant donné le signalement incomplet de ce coquillage et de son lieu de provenance, de préparer un authentique Thymiama ; et c’est dommage, car s’il en eût été autrement, ce parfum perdu eût certainement excité chez des Esseintes les fastueuses évocations des galas cérémoniels, des rites liturgiques de l’Orient.

Quant aux chapitres sur la littérature laïque et religieuse contemporaine, ils sont, à mon sens, de même que celui de la littérature latine, demeurés justes. Celui consacré à l’art profane a aidé à mettre en relief des poètes bien inconnus du public alors : Corbière, Mallarmé, Verlaine. Je n’ai rien à retrancher à ce que j’écrivis il y a dix-neuf ans ; j’ai gardé mon admiration pour ces écrivains ; celle que je professais pour Verlaine s’est même accrue. Arthur Rimbaud et Jules Laforgue eussent mérité de figurer dans le florilège de des Esseintes, mais ils n’avaient encore rien imprimé à cette époque-là et ce n’est que beaucoup plus tard que leurs œuvres ont paru.

Je ne m’imagine pas, d’autre part, que j’arriverai jamais à savourer les auteurs religieux modernes que saccage À Rebours. L’on ne m’ôtera pas de l’idée que la critique de feu Nettement est imbécile et que Mme  Augustin Craven et que Mlle  Eugénie de Guérin sont de bien lymphatiques bas-bleus et de bien dévotieuses bréhaignes. Leurs juleps me semblent fades ; des Esseintes a repassé à Durtal son goût pour les épices et je crois qu’ils s’entendraient encore assez bien, tous les deux, pour préparer, à la place de ces loochs, une essence gingembrée d’art.

Je n’ai pas changé d’avis non plus sur la littérature de confrérie des Poujoulat et des Genoude, mais je serais moins dur maintenant pour le Père Chocarne, cité dans un lot de pieux cacographes, car il a au moins rédigé quelques pages