Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/313

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biphosphate de chaux médicinal et de l’eau d’arquebuse ; les jacobins de l’élixir antiapoplectique ; les disciples de saint Benoît, de la bénédictine ; les religieux de saint Bruno, de la chartreuse.

Le négoce avait envahi les cloîtres où, en guise d’antiphonaires, les grands livres de commerce posaient sur des lutrins. De même qu’une lèpre, l’avidité du siècle ravageait l’Église, courbait des moines sur des inventaires et des factures, transformait les supérieurs en des confiseurs et des médicastres, les frères lais et les convers, en de vulgaires emballeurs et de bas potards.

Et cependant, malgré tout, il n’y avait encore que les ecclésiastiques parmi lesquels des Esseintes pouvait espérer des relations appariées jusqu’à un certain point avec ses goûts ; dans la société de chanoines généralement doctes et bien élevés, il aurait pu passer quelques soirées affables et douillettes ; mais encore eût-il fallu qu’il partageât leurs croyances, qu’il ne flottât point entre des idées sceptiques et des élans de conviction qui remontaient de temps à autre, sur l’eau, soutenus par les souvenirs de son enfance.

Il eût fallu avoir des opinions identiques, ne pas admettre, et il le faisait volontiers dans ses moments d’ardeur, un catholicisme salé d’un peu de magie, comme sous Henri III, et d’un peu de sadisme, comme à la fin du dernier siècle. Ce cléricalisme spécial, ce mysticisme dépravé et artistement pervers vers lequel