Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/140

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appréhensions de ma vie réelle, enfin rompue ! me reviennent.

Fatalement je compte les jours. Encore une semaine et il faudra reboucler les malles, gagner la ville et chercher des fiacres. Puis ce sera l’étourdissante trémie d’un wagon gorgé d’un tas d’êtres dont les faces répugnent ; ce sera la rentrée dans Paris, et, après un somme dépaysé, le lendemain, recommenceront tous les dégoûts d’une existence meurtrie par les douloureux trafics de la pensée, par les conjectures sans cesse trompées des sens, par les perspicaces antipathies qu’il faudra tâcher de vaincre pour manger du pain et payer un terme.

Ah ! dire qu’il y aura toujours un Avant et un Après et jamais un Maintenant qui dure.

Et voilà que les souvenirs des retours jadis effectués s’éveillent ; je me rappelle la tristesse des arrivées en gare, la pestilence oubliée des rues ; je me rappelle le malaise spirituel du logement refroidi par l’absence, l’impossibilité, les jours qui suivent, de s’asseoir en soi-même et de se soustraire à l’insupportable distraction des bavardages éjaculés d’une foule qui ne peut se taire.

Tout me revient ; je compte les courses en quête d’argent ; je prévois les offres avides, les refus presque courtois, les généreux conseils, toute la lente sentine de l’inexorable existence dans laquelle je dois à nouveau plonger.