Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/120

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parait à tout, apportait le café, puis, le panier au bras, roulant entre ses doigts le cordon de son tablier, elle répétait la phrase mécanique de tous les soirs : Monsieur n’a plus besoin de rien ? – Non, Mélanie. – Alors, bonsoir, Monsieur. – Et elle partait confectionner à son tour le dîner du sergent de ville.

Ces distractions de longues causeries, ces rires d’ami bavardant sans gêne, employant les mots crus qu’affectionnent, en général, les hommes de lettres et les peintres, les bariolages d’argot et de termes de métier qui salent si vivement, l’échange des questions et des ripostes, infusèrent à André une ardeur nouvelle ; après les froids ennuis, après les accablantes giboulées de la vie maritale, une embellie semblait prête à luire. Le retour de son ancien compagnon le retrempait, il avait soif de travail et, excité par toutes ces discussions qui se passionnaient autour de sa table, il voulait se prouver qu’il n’était pas déchu, que son talent s’était échappé intact de la bagarre.

Mais, dans les premiers temps, sa bonne volonté, ses élans échouèrent. Maniaque, ainsi que la plupart des artistes, il ne pouvait travailler que dans un logement qu’il connaissait bien. Afin que son œil ne flânât point, malgré lui, sur les bibelots accrochés aux murs, il fallait qu’il se fût assez familiarisé avec les angles et les teintes de ces objets, pour ne plus les apercevoir quand bon lui semblait. Sa manie était irrépressible. Il ne pouvait même travailler sur sa