Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/122

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dans ses idées, tentait de lui inculquer ses théories, des théories faisandées et morbides qu’André repoussait d’ordinaire, tout en reconnaissant la curiosité et la justesse de quelques-unes.

Et Cyprien revenait à la charge et trompé par le silence de son ami, le croyant indécis, sur le point de céder, il répétait, un à un, ses arguments, expliquait longuement la nouveauté de ses aperçus, citait des exemples pour les faire valoir.

L’accent d’un paysage était, selon lui, donné par les tuyaux d’usine qui s’élevaient au-dessus des arbres et crachaient jusqu’aux nuages des flocons de suie.

Il avouait d’exultantes allégresses, alors qu’assis sur le talus des remparts, il plongeait au loin, voyait les gazomètres dresser leurs carcasses à jour et remplies de ciel, pareils à des cirques bâtis de murs bleus et soutenus par des colonnes noires. Alors, le site prenait pour lui une inquiétante signification de souffrances et de détresses.

Dans cette campagne dont l’épiderme meurtri se bossèle comme de hideuses croûtes, dans ces routes écorchées où des traînées de plâtre semblent la farine détachée d’une peau malade, il voyait une plaintive accordance avec les douleurs du malheureux, rentrant de sa fabrique, éreinté, suant, moulu, trébuchant sur les gravats, glissant dans les ornières, traînant les pieds, étranglé par des quintes de toux, courbé sous le cinglement de la pluie, sous le fouet du vent, tirant, résigné, sur son brûle-gueule.