Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/126

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dans la façade et de lui ficher des tuyaux de cheminée sur le toit. Ça rompt au moins l’harmonie de ses grandes lignes bêtes !

Et dire que ça va continuer pendant des années encore, dire que des générations entières d’artistes vont acheter des réductions de la Vénus de Médicis, une bégueule qui a une tête d’épingle sur un torse de lutteuse de foire ! Quelque chose de propre que cette dondon qui profite de ce qu’elle a des bras pour se cacher le ventre ! La Vénus que j’admire, moi, la Vénus que j’adore à genoux comme le type de la beauté moderne, c’est la fille qui batifole dans la rue, l’ouvrière en manteaux et en robes, la modiste, au teint mat, aux yeux polissons, pleins de lueurs nacrées, le trottin, le petit trognon pâle, au nez un peu canaille, dont les seins branlent sur des hanches qui bougent !

O la chlorose des petites ouvrières et le fard allumé des fillasses qui rôdent ! Ça m’excite et j’en rêve ! Quand on songe qu’à Paris nous ne sommes peut-être pas plus de trois peintres qui pensions ainsi ! Et le monde en est là et le Messie ne vient pas ! Ah ! si tous, tant que nous sommes, nous n’étions pas gangrenés par le romantisme, si au lieu de guérir notre infection, nous ne nous bornions pas à la blanchir, si l’on inventait enfin un iodure qui puisse dépurer les cervelles d’artiste, nous verrions, à coup sûr, bien d’autres beautés modernes qui nous échappent !

Et Cyprien avalait des verres d’eau, se pro-