Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/141

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lividité d’une fille épuisée par la noce, puis il y eut encore un revirement en sa faveur, c’était cet horreur d’homme qui l’avait corrompue ! Elle appartenait à une bonne famille ; M. Désableau, son oncle, avait l’air d’un Monsieur respectable et les injures qu’il avait déversées sur André, en présence de plusieurs personnes, montraient bien le mépris que lui inspirait le mari de sa nièce.

Cyprien demeura interdit. Il regarda, résigné, vider ce tombereau d’infamies sur son camarade. Les calomnies s’échappaient maintenant de toutes les boutiques, s’attardaient sur tous les trottoirs et, de là, s’amassant dans la loge des concierges, se répandaient dans les cours, entraient comme une fumée fine sous la porte des paliers, emplissaient les cuisines, accompagnaient les bonnes dans les salles à manger de leurs maîtres, envahissaient jusqu’aux alcôves.

Les boutiquiers se vengeaient ainsi de l’hiver subi ; comprimés dans leurs cages, les portes fermées, n’ayant même pu se ménager des éclaircies, en frottant avec les doigts la buée qui leur voilait la rue, ils s’étaient morfondus derrière les fougères d’argent dont la gelée étamait leurs vitres ; les racontages des bonnes n’avaient pu les rassasier ; aux aguets derrière leurs comptoirs, ils avaient en vain tenté de suivre de l’œil les passants et de cracher dans le dos des personnes qui les faisaient vivre.

La contrainte que le froid leur imposa, les rendit féroces. Toutes les mesures qu’André avait imaginées