Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en somme la même existence béate qu’avant son mariage, au moment où il avait eu les moyens de s’offrir une bonne. Il s’avoua, lassé de ces subterfuges, que cette existence n’était plus la même que celle de jadis, qu’il y avait, en plus ou en moins, quelque chose qui la modifiait du tout au tout, sous une apparence égale.

Le mariage se dessina enfin, distinctement, devant lui. Il s’interposa entre sa vie présente et sa vie passée. Ainsi que ces verres qui déforment les objets qu’ils réfléchissent, il brouilla et gâta l’image d’égoïste bien-être qu’il avait autrefois goûté et qu’il espérait goûter encore. L’aveu lui échappa, la femme manquait.

Ah ! Cyprien avait beau dire, l’on ne pouvait ainsi vivre seul ! – La crise juponnière qui éclata alors qu’André fut délivré de sa première stupeur et qu’il n’éprouva plus d’inquiètes sollicitudes pour le fonctionnement de son existence réorganisée et remise à neuf, fut mûrie et hâtée encore par les condoléances de Mélanie. Elle jugea, en effet, nécessaire de lui demander chaque fois qu’il recevait une lettre, des nouvelles de sa femme. Au fond, elle redoutait que Madame ne se portât mieux et ne revînt prendre la direction du ménage. Il était probable que, dans ce cas, elle réglerait les dépenses et congédierait le sergent de ville que Mélanie avait amené, à ses heures de libre, dans le logis, pour cirer les parquets, nettoyer les carreaux et fumer le tabac d’André ; mais, comme le nez de son maître pointait