Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/168

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Et il retomba dans son mutisme, déshabillant la petite, mentalement, sans doute.

— J’ai soif, reprit-il, tout à coup ; dis donc, si nous faisions une petite halte ?

Ils entrèrent dans un café et s’assirent, au fond de la salle, sous une glace qui leur mit dans le dos, au-dessus de la tête, l’image reflétée de la dame du comptoir en train d’empiler avec des doigts chargés de bagues de petits carrés de sucre. Cyprien, les jambes étendues, la nuque enfoncée dans la moleskine se demandait quelles pouvaient bien être les méditations de cette jeune personne, issue probablement de toute une génération de cafetiers, élevée dans la fumée des pipes, dans le roulement des billards et l’appel des bocks.

Puis, il regarda, émergeant d’un escalier qui tirebouchonnait dans le plancher, une tête ahurie suivie de bras nus, encombrés de plateaux et de tasses, complétée enfin par tout un corps qui montait lentement, enveloppé d’une serpillère de toile bleue plaquée de grandes taches noires par des mouillures d’eau.

Glissant sur d’affligeantes savates, ce laveur s’enfonça dans un va-et-vient furieux de garçons lancés à toute volée, hurlant boum, jonglant avec des carafons et des soucoupes, éblouissant avec la blanche trajectoire de leurs tabliers, et il s’arrêta essoufflé, déposant sa charge près d’un comptoir, où le gérant coupait, avec un couteau de bois, le faux-col des chopes et vidait les rinçures et la mousse dans de nouveaux