Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/205

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lut ces lignes signées d’un camarade qu’il ne fréquentait plus depuis son mariage :

« Émilie, mon ex-maîtresse, m’écrit afin d’avoir votre adresse pour Jeanne, votre ancienne femme, qui désire vous revoir. Puis-je le faire ? – Prière de donner une réponse immédiate au porteur de la présente lettre. »

André hésita, bouleversé. – Toute une bouffée de souvenirs amoureux s’échappait de ce papier et l’étourdissait. La seule maîtresse à laquelle il eût tenu, demandait à le revoir ! – En un rapide éclair, il l’aperçut se jetant dans ses bras, l’accolant, lui baisant les paupières et le cou. Une envie folle de renouer avec elle, le prit. Il se disposa à répondre oui, mais il s’arrêta, inquiet. Était-il bête ! Comment-il était là, chez lui, calme, et il allait perdre le bénéfice de cette quiétude si chèrement achetée ! Il allait subir des attentes de femmes, poser ! – Ah non, par exemple ! C’était bon à vingt ans, ce jeu-là ! Il n’y avait pas à hésiter ! Il se résolut à répondre non, mais tout le bonheur qu’il avait jadis goûté dans la compagnie de Jeanne, toute sa jeunesse, heureuse un moment, s’exhuma, envahit toutes ses pensées, submergea ses instincts de prudence et de peur. Il traça vivement sur du papier un oui. Le commissionnaire partit et André resta tout frissonnant, sur sa chaise, déplorant aussitôt son attendrissement et sa lâcheté. Il se prépara à écrire à son ami de considérer sa lettre comme non avenue, puis il eut peur de passer pour un imbécile et n’en fit