Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/211

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devenue depuis ce temps ? Par quelles tribulations, par quels hauts et quels bas de misère avait-elle passé avant que de revenir à lui ? Elle était maintenant, peut-être, très laide, grêlée ou infirme ? – Il se disait que, dans ce cas, elle n’eût certainement pas désiré le revoir. – Eh qui sait ? C’était peut-être une tentative désespérée, les derniers abois d’une atroce dèche ! – Et il se sentait attendri d’avance, prêt à des sacrifices, car, pour l’instant, une recrudescence d’affection le poussait vers elle.

Il consulta sa montre, la colla à son oreille, croyant qu’elle ne marchait pas, mais elle tictaquait régulièrement. Les minutes lui paraissaient s’égoutter lentement, comme des heures ; puis il essaya de se représenter leur tête à tête. – Nous allons être fièrement embarrassés, pensait-il et il cherchait des phrases qui sauveraient la situation et n’en découvrait pas.

Ennuyé et joyeux tout à la fois, il se mirait dans les pans de glace des magasins et vérifiait la tenue de sa cravate et de son col.

Il se promenait maintenant dans le Palais-Royal ; il musait dans cette galerie où se tient Chevet, une courte galerie qui combine toujours, près du Théâtre-Français, le doux parfum d’un marché aux fleurs et le pestilentiel bouquet d’une tinette et, souriant, oubliant pour une seconde la longueur de son attente, il se faisait cette réflexion : que par le soupirail ouvert sous la boutique d’un fabricant d’écume, située