Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/214

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ce lieu foisonnant d’étrangers et de filles. Une certaine rancune persistait encore chez lui contre son camarade ; c’est un anémique et un hypocondre, se disait-il, j’ai tort de lui en vouloir. Mais ces raisons ne l’apaisaient pas. Son mécontentement s’activait même au souvenir de l’involontaire blessure qu’il avait reçue.

Il tira sa montre encore. L’heure du rendez-vous approchait. Il partit du jardin et s’engagea dans rue Vivienne.

J’ai tout de même de la chance qu’il ne pleuve pas, murmura-t-il, en levant le nez. Il bruinait seulement ; le pavé était gras et l’air humide. Il gagna rapidement la Bourse ; il n’était plus qu’à deux pas de la rue du Quatre-Septembre. Il s’assit sur un banc, regardant comme d’une berge, cet océan des pavés de Paris, où incessamment moutonnent des équipages de luxe, des voitures de commerce et de place. Il resta là, contemplant le flux des passants, marchant, courant, se croisant, s’arrêtant, échangeant quelques mots et reprenant leur course. Des gens s’échappaient des portes sur les trottoirs, d’autres entraient dans les magasins aux carillons des sonnettes, d’autres encore interpellaient les concierges, ou s’asseyaient, desheurés, dans les cafés et se disputaient avec les garçons, les journaux et les cartes.

C’était l’heure où les affaires se calment et où les plaisirs du soir vont naître. La formidable activité qui se mouvait autour de lui, la féroce puissance du commerce,