Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/217

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rant, s’enroulant le long des façades, rampant au-dessus des portes, s’accrochant aux balustres des terrasses, grimpant jusqu’aux sixièmes étages, jusqu’aux faîtes des toits, et il demeurait là, les yeux au ciel, considérant cette rue qui suait la richesse et la faillite, une rue vivant au jour le jour, subordonnée aux engouements de toute une clientèle d’actrices et de filles !

Le froid qui lui glaçait de nouveau les jambes le tira de sa rêverie et il consulta, une fois de plus sa montre. Huit heures allaient sonner. Il tressaillit la figure un peu cachée par son journal, voulant être reconnu le premier, il attendit, les yeux impatiemment fixés sur la porte.

Bientôt apparurent deux jeunes filles qui filèrent à grands pas, à droite, puis deux autres qui filèrent à grands pas, à gauche, puis ce fut tout un tourbillon se jeta, en piaillant, sur le trottoir, se baisa sur les joues et se dispersa, en tous sens, par couple.

André s’approcha un peu, craignant que Jeanne se sauvât sans qu’il l’aperçût. – Elle s’était peut-être échappée déjà. – À cette pensée, une angoisse atroce le saisit. – Mais des ouvrières descendaient, s’échelonnant encore. Soudain, Jeanne débucha, bras dessus, bras dessous avec une autre. Il fit un pas en avant, elle s’arrêta, et, le sang au visage, ils se serrèrent, tous les deux la main n’osant s’embrasser devant tout ce monde, se demandant, d’une voix tremblée, de leurs nouvelles.