Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/260

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rire de Jeanne était si ambigu, qu’André ne put savoir au juste si elle était de bonne foi et grave.

— Nous sommes toutes superstitieuses, conclut-elle, souriante. – Ainsi quand nous sortons de table, nous avons constamment les cheveux mouillés, parce que nous renversons du vin sur la table et que nous y trempons vite le doigt et l’essuyons sur la tête pour nous porter bonheur.

— Et Eugénie, elle croit aussi à tout cela ?

— Mais oui. – Oh ! du reste, elle est payée pour y croire, car toujours ses songes se sont réalisés. Ainsi, avant de se marier, elle a vu un homme tenant un rabot et elle a eu pour mari, un emballeur. Et le même fait s’est produit pour sa sœur ; elle a vu, étant jeune fille, un homme en redingote et le premier amant qu’elle a eu, a été un homme de plume. Ah bien, tu sais, il ne faudrait pas dire devant Eugénie que les rêves sont des blagues ! Elle t’arrangerait !

— Je respecte toutes les convictions, même quand elles sont sincères, affirma André, puis se penchant sur Jeanne, il lui chuchota une question dans le tuyau de l’oreille.

— Oh ! que tu es sale ! fit-elle. En voilà des questions ! Je me demande quel intérêt tu as à savoir qu’ils sont au sixième, près des pièces où l’on mange, qu’il y a des tronçons de cigarettes, du sang par terre, et puis que c’est plein de bouts de mousselines.

— Ah alors ! c’est avec de la mousseline…, dit André