Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/299

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t’a fait arracher d’avance par le coupeur du Pont-Neuf les germes de certaines idées que tu aurais pu t’enraciner dans l’âme. On a tari tous tes instincts de vagabondage amoureux, tous tes futurs désirs de pousser des cris déchirants le long des toits. On a eu tort, car tu es une bête surhumaine et monstrueuse, une bête sur laquelle on a violé les lois les plus saintes de la nature en te débarrassant de la douleur morale dès le principe. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Pardonne cette digression, ne me mords pas, ou je te claque et écoute :

La société, vois-tu, minet, a décidé, dans un jour de berlue, on ne sait plus quand, tant ça se perd, dans la nuit des siècles, que tout homme qui voudrait habiter avec une femme, dans la même chambre, dans le même lit, devrait passer auparavant devant un autre homme qui les interrogerait, après qu’on lui aurait mis une ceinture de cotonnade autour des reins.

Cette opération s’appelle le mariage, mon chat ; c’est l’honnêteté, c’est le respect de tout un pays, de tout un monde, c’est la protection assurée, où qu’on se trouve, des magistrats et des gendarmes !

Eh bien ! Ton papa Cyprien et ta maman Mélie n’ont pas défilé devant la fameuse écharpe dont je t’ai parlé, ils vivent simplement ensemble, comme toi tu aurais pu le faire avec une chatte, sans en avoir préalablement obtenu l’autorisation d’un deuxième chat. C’est te dire que, quoiqu’ils fassent, ils