Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/334

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Oui, depuis le départ de la petite surtout, la vie lui était insupportable. Les traverses, les perfidies, les hontes, tout cela n’était rien en présence de l’effroyable ennui qui l’accablait. Au fond, Mélie avait raison ; pour une curiosité insatisfaite – car il le connaissait, le tempérament glacé de sa femme – pour une tentative de pâmoison dans des bras poilus d’une couleur différente des siens, il avait raté sa vie, cassé son talent, broyé depuis des années du noir, et il pensa qu’il aurait décidément mieux valu, comme tant d’autres, avaler son cocuage et se taire.

— Que veux-tu que je fasse ? dit-il enfin, en levant le nez qu’il tenait baissé sur son assiette. Je ne puis cependant faire des avances à Berthe. – Oh ! quant à ça non, dit-il, retrouvant dans son abandon d’énergie un reste de force – non, à aucun prix.

Il y eut un instant de silence.

Cyprien regarda fixement André.

— Si Berthe reconnaissait ses torts et faisait les premières avances ? dit-il.

André devint pourpre et il balbutia : Dans ce cas-là, dame, eh bien !… Je ne sais pas…

— Sans doute, murmura Mélie qui regarda Cyprien à son tour, les hommes ont leur fierté, mais enfin, quand une femme convient qu’ils ont raison, il faudrait être réellement méchant pour ne pas lui pardonner. Moi, à la place de l’homme, je l’embrasserais de bon cœur et puis je serais bien gentil parce qu’il faut, en somme, que chacun y mette du sien.