Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/342

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Les lettres et les chiffres lui dansaient devant les yeux et le plan qu’il tenta d’examiner lui troubla la vue avec ses larges places qui lui semblèrent se soulever et déborder des liserés de couleur qui les ourlaient.

— C’est très bien, dit-il ; et après un assez long intervalle, il poursuivit, bredouillant un peu : c’est Désableau qui t’a engagée à acheter cette maison ? du reste, ça se conçoit.

Et il ajouta avec une certaine acrimonie : il a toujours aimé à profiter de la campagne des autres.

Mais elle défendit son oncle.

Non, il n’était ni un homme intéressé, ni un égoïste comme André le croyait et elle ne pouvait accuser ni sa sollicitude, ni sa tendresse. Lui et sa femme la traitaient comme leur propre fille, sa tante surtout, et elle continuait à débiter l’éloge des Désableau qu’André écoutait, l’air peu convaincu et la mine pincée.

Néanmoins, l’attitude décidée de Berthe l’intimida. Il n’osa plus attaquer sa famille de front, et, lentement, il rôda autour des Désableau, hasardant des questions, préparant des amorces, s’efforçant de confesser sa femme, de lui faire dire les froissements quotidiens, les souffrances journalières d’une vie en commun chez d’intolérables gens.

Elle rougissait un peu, se défendait d’accuser son oncle, et, harcelée, pressée, convenait cependant, entre deux louanges qu’elle avivait pour ôter toute amertume à ses aveux, les petites faiblesses de cet homme, son caractère enflé et pointu, ses idées qui