Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/351

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Le sourire où la surdent mettait dans sa bouche un point de lumière avancé sur la ligne des dents affola André ; il se jeta sur elle et la baisa lentement sur les yeux qui battirent, lui chatouillant les lèvres avec leurs cils.

Il l’étreignit et l’emmena, lacée à lui, dans la chambre, oubliant volontairement la lumière dans le cabinet. Berthe s’affaissa sur le lit, inerte, un bras replié sur la figure, tandis que le bruit de ses jupes longuement froissées s’entendait seul, avec le souffle haletant d’André.

— Oh ! c’est vilain, dit-elle, tout bas.

Et André un peu étonné maintenant que sa surexcitation avait cessé, se demandait si, dans l’intérêt de son futur ménage, il n’avait pas commis une irréparable faute. Une certaine lueur qui fila dans les yeux de sa femme l’inquiéta, puis il se fit la remarque que Berthe avait le linge plus élégant et plus parfumé que jadis et il eut peur qu’elle ne se fût ainsi parée pour le séduire.

Un peu embarrassés, ils revinrent s’asseoir dans le petit salon et ils se taisaient, abîmés, chacun dans ses réflexions ; elle, malgré les déboires renouvelés de ses sens, satisfaite d’avoir goûté à un fruit défendu, d’avoir accompli, dans une chambre de garçon, une escapade rêvée autrefois dans son ménage, et honnêtement réalisée maintenant, sans honte et sans risques, heureuse de secouer le joug de son oncle, de quitter de nouveau son existence de jeune fille, de reprendre sa liberté, de rentrer toute-puissante chez elle,