Page:Huysmans - En rade.djvu/156

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— Voyons, fit-il, en tournant la cannelle, et lui et sa femme dégustèrent ce vin. C’était une zélée piquette qui s’empressait à rappeler tout d’abord le goût du raisin, puis qui vous laissait, quand on l’avait bue, un fumet de futaille rincée sous une pompe.

Il jeta un coup d’œil sur les litres déjà tirés pensant que ceux-là étaient moins additionnés d’eau.

— Voilà, cria la tante Norine, soixante-deux litres qui font la moitié que nous vous payons et vingt qu’on vous a prêtés en attendant que Bénoni amène sa feuillette. Ils sont là, que je compte. Quien, vois, c’est à vous qu’est le reste !

— C’est égal, c’est une vraie lavasse que ce vin-là, dit Louise, votre ami Bénoni est un voleur.

— Oh… oh… faut-il ! s’exclamèrent les deux vieux ; et ils s’efforcèrent de persuader leur nièce, que la légèreté de ce vin témoignait de l’honnêteté de Bénoni qui aurait pu, s’il était un malin, le sophistiquer pour le grossir.

— Allons, c’est bon, dit Jacques. Mais où va-t-on mettre la barrique ?

— Tu vas voir, mon homme, fit le vieux qui la plaça sur une brouette, la roula jusqu’au château et la déchargea sur l’une des marches de l’escalier, soutenant la partie qui dépassait par un amas de pierres posé sur les gradins du dessous.