Page:Huysmans - En rade.djvu/164

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avec la petite faux de leur sape et leur crochet, allaient plus vite en besogne et travaillaient mieux que tous les hommes du pays réunis ensemble.

— Nous savons pas nous ; nous sommes des piqueurs. Nous travaillons avec la grande faux qu’est là dans le coin, mais ça fait de la lente ouvrage et pour le blé qu’a versé, on n’en sort pas et puis qu’on en perd !

Las de solitude, une après-midi, Jacques quitta le château et se promena sur les côtes de la Renardière, à la recherche du père Antoine.

Partout, en haut des collines, en bas du val, des gens fauchaient et, le son portant loin, il entendait distinctement le bruit de soie, suivi du tintement métallique de la sape coupant le blé. La vie du paysage changeait selon les côtes. Près de Tachy, la moisson était terminée, les moyettes posées en tas, pareilles à des ruches d’abeilles sur un sol pâle hérissé de courts chalumeaux par les pieds épargnés des tiges, des voitures circulaient qu’on chargeait de gerbes et des meules s’élevaient, semblables à d’énormes pâtés enveloppés de paille. Du côté de la Renardière, l’on commençait à faucher seulement et l’on apercevait des grands chapeaux, aucune tête, à peine un bout d’échine, et partout des bouquets de fesses remuant sur des jambes écartées par un va-et-vient balancé et lent.