Page:Huysmans - En rade.djvu/247

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C’était fini ; le soir même, il rentrerait à Paris et son existence changerait !

Tant qu’il avait rélégué jusqu’à d’indécises époques son retour, il avait, en somme, terrassé le souci de savoir comment il allait vivre. Il se répondait : je verrai, se proposait des expédients plus ou moins sûrs, ne se dupait pas par ses réponses, mais endormait ses inquiétudes, les décortiquait, les rendait indolentes, les espaçait, les usait même par des simulacres de résolutions auxquelles il parvenait presque, sur le moment, à croire.

Maintenant que le retour était certain, imminent, là, il perdait tout courage et n’essayait même plus de se tracer des plans.

À quoi bon ? il pénétrait dans l’inconnu ; les seules prévisions qu’il pût raisonnablement oser, c’étaient celles-ci : il faudrait, dès l’arrivée, se mettre en course, visiter l’un, attendre l’autre, renouer des relations avec des gens qu’il méprisait, afin de se procurer un travail avantageux ou une place. Quelle série d’avanies, quelle suite d’humiliations, je vais subir, se disait-il ; ah ! l’expiation de mes dédains utilitaires est prête !

Comme la solitude avait du bon ! Ici du moins, à part ces paysans, il ne voyait personne ! Oui, il allait pour manger du pain patauger avec les