Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/133

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tout, la hantise d’autant plus terrible qu’elle se spécialisait, qu’elle ne s’égarait pas, qu’elle se concentrait toujours sur le même point ; la figure de Florence, le corps, le gîte même des ébats avoués s’effaçaient ; il ne restait plus devant lui que l’obscure région où cette créature transférait le siège de ses sens.

Durtal résistait, puis, affolé, prenait la fuite, essayait de se briser par de grandes marches, de se distraire par des promenades, mais l’ignoble régal le suivait quand même dans ses courses, s’installait devant lui au café, s’interposait entre ses yeux et le journal qu’il voulait lire, l’accompagnait à table, se précisait dans les taches de la nappe et dans les fruits. Il finissait, après des heures de luttes, par échouer, vaincu, chez cette fille, et il en partait, accablé, mourant de dégoût et de honte, sanglotant presque.

Et il n’éprouvait aucun allègement de ces fatigues ; c’était même le contraire ; loin de fuir, le charme exécré s’imposait plus violent encore et plus tenace. Alors, Durtal en arrivait à se proposer, à accepter de singuliers compromis. Si j’allais visiter, se disait-il, une autre femme que je connais et que les caresses régulières décident encore, peut-être arriverais-je à me briser les nerfs, à chasser cette possession, à m’assouvir, sans ces ennuis et ces remords ; et il le fit, tâchant de se persuader qu’il serait plus pardonnable, qu’il pécherait moins, en agissant ainsi.

Le résultat le plus clair de cette tentative fut de ramener, par la comparaison forcée des joutes, le souvenir de Florence et de proclamer l’excellence de ses vices.

Il continua donc de se vautrer chez elle, puis il eut,