Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/151

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tage au timbre asexué, à la voix d’enfant, écachée, arrondie du bout, des Franciscaines ; c’était autre chose.

À la Glacière, en effet, ces voix écrues, bien qu’adoucies et moirées par les prières, gardaient quand même un peu de l’inflexion traînante presque commune du peuple dont elles étaient issues ; elles étaient bien épurées, mais elles n’en restaient pas moins humaines. Ici, c’était une tendresse séraphisée de sons ; cette voix, sans origine définie, longuement blutée dans le tamis divin, patiemment modelée pour le chant liturgique, se dépliait en s’embrasant, flambait en des bouquets virginaux de sons blancs ; s’éteignait, s’effeuillait en des plaintes pâles, lointaines, vraiment angéliques, à la fin de certains chants.

Ainsi interprétée, la messe accentuait singulièrement le sens de ses proses.

Debout, derrière la grille, le monastère répondait au prêtre.

Durtal avait alors entendu, après un « Kyrie eleison » dolent et sourd, âpre, presque tragique, le cri décidé, si amoureux et si grave, du « Gloria in excelsis » du vrai plain-chant ; il avait écouté le Credo, lent et nu, solennel et pensif et il avait pu s’affirmer que ces chants différaient absolument de ceux que l’on entonnait partout, dans les églises. Saint-Séverin, Saint-Sulpice lui semblaient maintenant profanes ; à la place de ces molles ardeurs, de ces frisures et de ces boucles, de ces angles de mélodies limés, de ces terminaisons toutes modernes, de ces accompagnements incohérents rédigés pour l’orgue, il se trouvait en face d’un chant à la maigreur effilée et nerveuse des Primitifs ; il voyait la rigidité ascétique