Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/153

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Maintenant, sans vouloir rabaisser votre enthousiasme pour la probité musicale de ces religieuses, je dois vous dire que, pour bien saisir, dans son altitude, dans son ampleur, ce magnifique chant, il faut l’entendre non pas vanné par des bouches même désexuées de vierges, mais sorti sans apprêts, tout vif, des lèvres d’hommes. Malheureusement, s’il existe à Paris, rue Monsieur et rue Tournefort, deux communautés de Bénédictines, il ne s’y trouve pas, en revanche, un véritable couvent de Bénédictins…

— Et, rue Monsieur, elles suivent la règle intégrale de saint Benoît ?

— Oui, mais en sus des vœux habituels de pauvreté, de chasteté, de stabilité en clôture, d’obéissance, elles prononcent encore le vœu de réparation et d’adoration du Saint-sacrement, tel que le formula sainte Mechtilde.

Aussi mènent-elles l’existence la plus austère qui soit parmi les nonnes. Presque jamais de viande ; lever à deux heures du matin pour chanter l’office de Matines et les Laudes, et, jours et nuits, étés et hivers, elles se relaient devant le cierge de la réparation et devant l’autel. Il n’y a pas à dire, reprit l’abbé, après un silence, la femme est plus courageuse et plus forte que l’homme ; aucun ascétère masculin ne pourrait, sans dépérir, supporter, dans l’air débilitant de Paris surtout, une vie pareille.

— Ce qui me stupéfie peut-être plus encore, fit Durtal, c’est lorsque je songe à la qualité d’obéissance qu’on doit exiger d’elles. Comment une créature douée de volonté peut-elle s’anéantir à un tel point ?

— Oh ! dit l’abbé, l’obéissance est la même dans tous