Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eussent pu l’apaiser se refusaient encore à sortir ; il sollicitait la musique religieuse, les proses désolées des psaumes, les crucifixions des Primitifs pour s’exciter, mais les oraisons couraient, en se brouillant sur ses lèvres ; elles se dépouillaient de tout sens, devenaient des mots désemplis, des coques vides.

À Notre-Dame des Victoires où il se traînait dans l’espérance qu’il se dégèlerait au feu des prières voisines, il se dégourdissait, en effet, un peu ; il lui semblait alors qu’il se lézardait, fuyait goutte à goutte en des douleurs informulées qui se résumaient dans une plainte d’enfant malade où il disait tout bas à la Vierge : ce que j’ai mal à l’âme !

Puis, de là, il retournait à Saint-Séverin, s’installait sous cette voûte tannée par la patine des prières, et, hanté par son idée fixe, il se plaidait les circonstances atténuantes, s’exagérait les austérités de la Trappe, tâchait presque d’exaspérer sa peur pour excuser, dans un vague appel à la Madone, ses défaillances.

Il faut pourtant que j’aille voir l’abbé Gévresin, murmurait-il, mais le courage lui manquait pour aller prononcer ce « oui » que lui demanderait sûrement le prêtre. Il finit par découvrir un joint pour le visiter, sans se croire obligé à s’engager encore.

Après tout, pensa-t-il, je ne possède aucun renseignement précis sur cette Trappe ; je ne sais même pas s’il ne serait point nécessaire, pour s’y rendre, de faire un voyage coûteux et long ; l’abbé raconte bien qu’elle n’est pas éloignée de Paris, mais enfin je ne puis, sur cette simple affirmation, me décider ; il serait bien utile