Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/207

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Et le lendemain, qui était un dimanche, il s’arrêta chez les bénédictines pour entendre la grand’messe. Un moine noir la célébrait ; il reconnut un bénédictin, quand ce prêtre chanta : « Dominous vobiscoum », car l’abbé Gévresin lui avait appris que les bénédictins prononçaient le latin à l’italienne.

Bien qu’il n’aimât guère cette prononciation qui enlevait au latin la sonorité de ses mots et faisait, en quelque sorte, des phrases de cette langue, des attelages de cloches dont on aurait cotonné les battants ou étoupé les vases, il se laissait aller, poigné par l’onction, par l’humble piété de ce moine qui tremblait presque de respect et de joie, alors qu’il baisait l’autel ; et il avait une voix foncée à laquelle répondaient, derrière la grille, les claires envolées des nonnes.

Durtal haletait, écoutant ces tableaux fluides de primitifs se dessiner, se former, se peindre dans l’air ; il était saisi aux moelles ainsi qu’il l’avait été jadis pendant la grand’messe de Saint-Séverin. Perdue dans cette église où la fleur des mélodies se fanait pour lui depuis qu’il connaissait le plain-chant des bénédictines, il la retrouvait, cette émotion, ou plutôt il la rapportait avec lui, de Saint-Séverin dans cette chapelle.

Et pour la première fois, il eut un désir fou, un désir si violent qu’il lui fondit le cœur.

Ce fut au moment de la communion. Le moine, levant l’hostie, proférait le « Domine, non sum dignus ». Pâle et les traits tirés, les yeux dolents, la bouche grave, il semblait échappé d’un moutier du Moyen Âge, découpé dans un de ces tableaux flamands où les religieux se tiennent debout au fond, alors que, devant eux, des