Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/223

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fut immédiate ; il comprit que, s’il ne bougeait pas, il était perdu ; c’était, à l’état permanent, le tangage d’âme, la crise du dégoût de soi-même, le regret lancinant d’un effort péniblement consenti et soudain raté ; c’était enfin la certitude que ce ne serait que partie remise, qu’il faudrait repasser par ces alternances de révolte et d’effroi, recommencer à se battre pour se convaincre !

En admettant que je ne sois pas en état de voyager, j’aurai toujours la ressource de me confesser à l’abbé quand il reviendra et de communier à Paris, pensa-t-il, mais il hochait la tête, s’affirmait encore et toujours qu’il sentait, qu’il savait que ce n’était point cela qu’il devait faire. — Mais alors, disait-il à Dieu, puisque vous m’enfoncez cette idée si violemment que je ne puis même la discuter, malgré son parfait bon sens, — car, après tout, il n’est pas indispensable pour se réconcilier avec vous de se claquemurer dans une Trappe ! — alors, laissez-moi partir !

Et doucement, il Lui parlait :

Mon âme est un mauvais lieu ; elle est sordide et mal famée ; elle n’a aimé jusqu’ici que les perversions ; elle a exigé de mon malheureux corps la dîme des délices illicites et des joies indues ; elle ne vaut pas cher, elle ne vaut rien ; et, cependant, près de vous, là-bas, si vous me secouriez, je crois bien que je la materais ; mais mon corps, s’il est malade, je ne puis le forcer à m’obéir ! c’est pis que tout, cela ! je suis désarmé, si vous ne me venez en aide.

Tenez compte de ceci, Seigneur, je sais, par expérience, que, dès que je suis mal nourri, je névralgise ; humainement, logiquement, je suis assuré d’être horriblement