La conversation continua entre ce prêtre et M. Bruno.
Après s’être disséminée sur divers lieux communs, elle finit par se concentrer sur une invisible loutre qui dévastait les étangs de l’abbaye.
— Mais enfin, disait le vicaire, avez-vous au moins découvert le lieu où elle gîte ?
— Jamais ; l’on distingue aisément dans les herbes froissées les chemins qu’elle parcourt pour se jeter dans l’eau, mais toujours, à un endroit, on perd ses traces. Nous l’avons guettée avec le P. Étienne, pendant des journées ; et jamais elle ne s’est montrée.
L’abbé expliqua divers pièges qu’il convenait de tendre. Durtal rêvait à cette chasse à la loutre si plaisamment racontée par Balzac en tête de ses Paysans, quand le dîner s’acheva.
Le vicaire récita les grâces et dit à M. Bruno :
— Si nous allions faire un tour ; le bon air remplacera le café que l’on omet de nous servir.
Durtal regagna sa cellule.
Il se sentait vidé, détrité, fourbu, réduit à l’état de filaments, à l’état de pulpe. Le corps concassé par les cauchemars de la nuit, énervé par la scène du matin, demandait à s’asseoir, à ne pas bouger et si l’âme n’avait plus cet affolement qui l’avait brisée dans des sanglots aux pieds du moine, elle restait dolente et inquiète ; elle aussi demandait à se taire, à se reposer, à dormir.
Voyons, dit Durtal, il ne s’agit pas de se déserter, secouons-nous.
Il lut les Psaumes de la Pénitence et les Litanies des Saints ; puis il hésita entre deux de ses volumes, entre saint Bonaventure et sainte Angèle.