Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc pas la voix diabolique qui vous la déconseille ; vous communierez demain, quoi qu’il arrive. Vous ne devez avoir aucun scrupule, car c’est moi qui vous enjoins de recevoir le Sacrement ; d’ailleurs je prends tout sur moi.

Autre question maintenant, comment sont les nuits ?

Durtal lui relata l’abominable nuit de son arrivée à la Trappe et cette sensation d’être épié qui l’avait réveillé, la veille.

— Ce sont des manifestations que nous connaissons de longue date, elles sont sans danger imminent ; ne vous en inquiétez donc point. Toutefois, si elles persistaient, vous voudriez bien m’en aviser, car nous ne négligerions pas alors d’y mettre ordre.

Et le trappiste sortit tranquillement, tandis que Durtal restait songeur.

Que les phénomènes du Succubat soient sataniques, je n’en ai jamais douté, pensa-t-il, mais ce que j’ignorais, ce sont ces attaques de l’âme, cette charge à fond de train contre la raison qui demeure intacte et qui est vaincue néanmoins ; ça c’est fort ; il sied seulement que cette leçon me serve et que je ne sois plus ainsi désarçonné à la première alerte !

Il remonta dans sa cellule ; une grande paix était descendue en lui. A la voix du moine tout s’était tu ; il n’éprouvait plus que la surprise d’avoir déraillé pendant des heures ; il comprenait maintenant qu’il avait été assailli à l’improviste et que ce n’était pas avec lui-même qu’il avait lutté.

Il pria, se coucha. Et, soudain, par une nouvelle tactique qu’il ne devina point, l’assaut reprit.