Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/359

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— S’il n’y avait encore que cette énigme, reprit la voix, mais toutes les doctrines catholiques sont d’un gabarit pareil ! examine la religion dès sa naissance et dis si elle ne débute pas par un dogme absurde ?

Voici un Dieu, infiniment parfait, infiniment bon, un Dieu qui n’ignore ni le passé, ni le présent, ni l’avenir, il savait donc qu’Eve pécherait ; alors, de deux choses l’une : ou il n’est pas bon puisqu’il l’a soumise à cette épreuve, en connaissant qu’elle n’était pas de force à la subir ; ou bien alors, il n’était pas certain de sa défaite ; auquel cas, il n’est pas omniscient, il n’est pas parfait.

Durtal ne répondait pas à ce dilemme qu’il est, en effet, malaisé de résoudre.

— Pourtant, se dit-il, l’on peut tout d’abord écarter l’une de ces deux propositions, la dernière ; car il est enfantin de s’occuper du futur lorsqu’il s’agit de Dieu ; nous le jugeons avec notre misérable entendement et il n’y a pour lui, ni présent, ni passé, ni avenir ; il les voit tous, dans la lumière incréée, au même instant. Pour lui, la distance ne se figure pas et l’espace est nul. Les jadis, les maintenant et les demain ne sont qu’un. Il ne pouvait par conséquent douter que le Serpent vaincrait. Ce dilemme amputé se détraque donc…

— Soit, mais l’autre alternative reste, que fais-tu de sa bonté ?

— Sa bonté… Et Durtal avait beau se ressasser les arguments tirés du libre-arbitre ou de la venue promise du Sauveur, il était bien forcé de s’avouer que ses réponses étaient débiles.