Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/416

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s’épanouissaient dans des pots, entre les candélabres. Durtal comprit alors pourquoi il avait si souvent aperçu M. Bruno se dirigeant, des fleurs à la main, de ce côté ; il devait orer dans ce lieu qu’il aimait sans doute parce qu’il était isolé dans la solitude profonde de cette Trappe.

Le brave homme ! se cria Durtal, resongeant aux services affectueux, aux prévenances fraternelles que l’oblat avait eus pour lui. Et il ajouta : l’heureux homme aussi, car il se possède et vit si placide ici !

Et en effet, reprit-il, à quoi bon lutter si ce n’est contre soi-même ? s’agiter pour de l’argent, pour de la gloire, se démener afin d’opprimer les autres et d’être adulé par eux, quelle besogne vaine !

Seule, l’Eglise, en dressant les reposoirs de l’année liturgique, en forçant les saisons à suivre, pas à pas, la vie du Christ, a su nous tracer le plan des occupations nécessaires, des fins utiles. Elle nous a fourni le moyen de marcher toujours côte à côte avec Jésus, de vivre l’au jour le jour des Evangiles ; pour les chrétiens, elle a fait du temps le messager des douleurs et le héraut des joies ; elle a confié à l’année le rôle de servante du Nouveau Testament, d’émissaire zélée du culte.

Et Durtal réfléchissait à ce cycle de la liturgie qui débute au premier jour de l’an religieux, à l’Avent, puis tourne d’un mouvement insensible, sur lui-même, jusqu’à ce qu’il revienne à son point de départ, à cette époque où l’Eglise se prépare, par la pénitence et la prière, à célébrer la Noël.

Et, feuilletant son eucologe, voyant ce cercle inouï d’offices, il pensait à ce prodigieux joyau, à cette couronne du roi Recceswinthe que le musée de Cluny recèle.