Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/429

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Il sentait en lui un affaissement de terrain, un éboulis d’âme, un découragement absolu devant cette perspective de rentrer dans l’existence habituelle, de se mêler à nouveau aux va-et-vient des hommes ; et il éprouvait en même temps une fatigue cérébrale immense.

Il se traîna par les allées, dans un état de complet déconfort, dans un de ces accès de spleen religieux qui déterminent, lorsqu’ils se prolongent, pendant des années, le tædium vitæ des cloîtres. Il avait horreur d’une vie autre que celle-là et l’âme, surmenée par des prières, défaillait dans un corps insuffisamment reposé et mal nourri ; elle n’avait plus aucun désir, demandait à n’être pas dérangée, à dormir, tombait dans un de ces états de torpeur où tout devient indifférent, où l’on finit par perdre doucement connaissance, par s’asphyxier sans que l’on souffre.

Il avait beau, pour réagir en se consolant, se promettre qu’il assisterait, à Paris, aux offices des Bénédictines, qu’il se tiendrait sur la lisière de la société, à part, il était bien obligé de se répondre que ces subterfuges sont impossibles, que l’évent même de la ville est rebelle aux leurres, que l’isolement dans une chambre ne ressemble en rien à la solitude d’une cellule, que les messes célébrées dans les chapelles ouvertes au public ne peuvent s’assimiler aux offices fermés des Trappes.

Puis à quoi bon tenter de se méprendre ? Il en était de l’âme comme du corps qui se porte mieux au bord de la mer ou dans les montagnes que dans le fond des villes. Il y avait l’air spirituel meilleur même à Paris,