Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/90

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à un monastère de carmélites où il était parfois allé, se rappelait leurs voix défaillantes, presque mortes, dont le peu de santé s’était réfugié dans trois notes, des voix ayant perdu les couleurs musicales de la vie, les teintes du grand air, ne conservant plus, dans le cloître, que celles des costumes qu’elles semblaient refléter, des sons blancs et bruns, des sons chastes et sombres.

Ah ! ces Carmélites, il y repensait maintenant, tandis qu’il descendait la rue de la Glacière ; et il évoquait une prise de voile dont le souvenir l’emballait, chaque fois qu’il rêvait à des couvents. Il se revoyait, un matin, dans la petite chapelle de l’avenue de Saxe, une chapelle de style ogival, espagnol, percée d’étroites fenêtres tendues de vitraux si foncés que la lumière séjournait dans leurs couleurs, sans éclairer.

Au fond, se dressait, dans l’ombre, le maître-autel, surélevé de six marches ; à sa gauche, une grande grille de fer en forme d’ogive était voilée d’un rideau noir et, du même côté, mais presque au bas de l’autel alors, une petite ogive tracée sur un mur plein, s’allongeait en lancette, trouée, au milieu, d’une ouverture simulant une sorte de chatière carrée, un cadre sans panneau, vide.

Ce matin-là, cette chapelle, froide et obscure, rutilait, incendiée par des taillis de cierges et l’odeur d’un encens non altéré, comme celui des autres églises, par des benjoins et des gommes, l’emplissait d’une fumée sourde ; elle regorgeait de monde. Tapi dans un coin, Durtal s’était retourné, et avait, ainsi que ses voisins, suivi du regard le dos des thuriféraires et des prêtres qui se dirigeaient vers l’entrée. Et la porte s’était brusquement écartée et il avait eu, dans une explosion de