Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/93

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sont cependant plus vulgaires. Il est vrai que celles-là n’appartiennent pas à un ordre contemplatif, mais, c’est égal, leurs règles sont assez rigides, leur existence est assez dure pour qu’elles puissent, elles aussi, compenser par leurs oraisons et par leurs œuvres les excès de la ville qu’elles protègent.

Il s’exaltait, en pensant aux monastères. Ah ! être terré chez eux, à l’abri des mufles, ne plus savoir si des livres paraissent, si des journaux s’impriment, ignorer pour jamais ce qui se passe, hors de sa cellule, chez les hommes ! — et parfaire le bienfaisant silence de cette vie murée, en se nourrissant d’actions de grâces, en se désaltérant de plain-chant, en se saturant avec les inépuisables délices des liturgies !

Puis, qui sait ? à force de bonne volonté, de suppliques ardentes, parvenir à L’approcher, à L’entretenir, à Le sentir près de soi, presque content de sa créature, peut-être ! Et il évoquait les allégresses de ces abbayes où Jésus vivait. Il se rappelait cet étonnant couvent d’Unterlinden, près de Colmar, où, au XIIIe siècle, ce n’était pas une, deux nonnes, c’était le monastère tout entier qui surgissait, éperdu, devant le Christ dans des cris de joie : des religieuses s’élevaient au-dessus de terre, d’autres entendaient des chants séraphiques ou sécrétaient de leurs corps épuisés des baumes ; d’autres encore devenaient diaphanes ou se nimbaient d’étoiles ; tous les phénomènes de la vie contemplative étaient visibles dans la haute école de Mystique que fut ce cloître.

Emballé comme il l’était, il se trouva devant sa porte, sans même se souvenir de la route qu’il avait prise et,