Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/98

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— Vous avez plus de quarante ans, dit-il, lorsque Durtal se tut ; vous avez franchi l’âge où avant toute impulsion d’idées, c’est l’éveil de la chair qui suscite les tentations ; maintenant, vous en êtes à cette période où ce sont les pensées lubriques qui se présentent d’abord à l’imagination, avant que les sens ne tressaillent. Il s’agirait donc de combattre moins votre corps endormi que votre âme qui le stimule et le trouble. D’autre part, vous avez des lots arriérés de tendresses à placer ; pas de femme, pas d’enfants qui les puissent prendre ; de sorte que, les affections refoulées par le célibat, vous finissez par les reporter là où elles eussent dû tout d’abord aller ; votre faim d’âme, vous tentez de la contenter dans les chapelles et, comme vous hésitez, comme vous n’avez pas le courage de vous arrêter à une décision, de rompre une bonne fois, avec vos vices, vous en êtes arrivé à cet étrange compromis : réserver votre tendresse pour l’Eglise et les manifestations de cette tendresse pour les filles. Voilà, si je ne me trompe, votre bilan exact. Eh bien ! Mais, mon Dieu, il ne faut pas trop vous plaindre ; car, voyez-vous, l’important, c’est de n’aimer que corporellement la femme. Quand le Ciel vous a départi cette grâce de n’être pas pris par les sentiments, avec un peu de bonne volonté tout s’arrange.

— Il est indulgent, ce prêtre, pensa Durtal.

— Oui, mais, reprit l’abbé, vous ne pouvez rester toujours entre deux selles ; le moment va venir où il faudra enjamber l’une et repousser l’autre…

Et regardant Durtal qui baissait le nez sans répondre.

— Priez-vous seulement ? — Je ne vous demande pas si vous faites oraison le matin, car tous ceux qui