Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/100

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seulement, lui, pratique juste le contraire des règles qu’il professe dans ses leçons.

Mais malgré ces imperfections, que des cloîtres de moindre importance nous envieraient encore, quelle magnifique cérémonie nous eûmes ce matin ! La splendide liturgie que celle de ce jour ! Cette épitre, tirée de l’apocalypse, c’est une photographie du ciel ou plutôt c’est un idéal tableau de primitif ; et ce qu’en effet les vieux peintres flamands l’auront traduit ce texte de saint Jean dans lequel défilent les anges, les vieillards, les saints ! Et le début, l’introït, le fameux « Gaudeamus » réservé pour les festivités des grandes joies, est-ce assez beau ! Cette mélodie qui danse et ne se tient plus d’allégresse et qui s’arrête cependant, avant la fin de la phrase, au « gaudent angeli » comme n’en pouvant plus et peut-être aussi comme prise d’une vague appréhension de n’être plus assez déférente ; puis qui reprend, débordée quand même par le ravissement, pour se terminer en une prosternation pareille à celle des Vieillards de l’épitre, étendus, le visage contre terre, devant le trône ; ces accents de jubilation-là, c’est sûrement le Saint-Esprit qui les a soufflés ! C’est d’une simplicité admirable et d’une caresse d’ouïe et d’un art merveilleux ! Quel musicien rendra jamais l’ivresse de l’âme, de la sorte ?

— Voilà notre frère qui s’emballe, dit en riant Mlle de Garambois ; pour en revenir au côté cérémonial, savez-vous, Madame Bavoil, que votre maître et ami est à ce point de vue un disciple des plus remarquables de Dom d’Auberoche ?

Certainement, continua-t-elle, en souriant à Durtal qui la regardait, un peu surpris ; je n’avance rien à la