Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/208

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au loin, les auberges jaillissaient avec leurs carreaux rouges, dans le noir.

Sous prétexte de punch, la brave hôtesse avait accumulé sur une table des masses de pâtisseries et de viandes froides.

La salle à manger était quiète ; c’était la salle à manger bourgeoise, avec le buffet et les chaises Henri II, mais les flambes joyeuses des pins grimpaient, en embaumant la résine, dans l’âtre ; Durtal se rôtissait les souliers.

— Nous sommes victimes d’un guet-apens, disait, en riant, Mme Bavoil ; c’est d’un véritable souper que notre amie nous menace ; enfin, le jour de la nativité, un peu de gourmandise est permis.

Mais elle se contenta, malgré toutes les instances, d’avaler un bout de fromage et de pain.

La neige continuait à choir ; les feux des lanternes avaient disparu sur les routes ; des hurlements d’ivrognes retentissaient de toutes parts ; les paysans ribotaient, au sec.

— Quel dommage ! ils étaient si bien tout à l’heure, quand ils chantaient avec les religieux, remarqua Mme Bavoil.

— Oh ! s’exclama Durtal, ne nous emballons pas. Ceux qui chantaient à l’église sont ceux que le cloître emploie. Ils vont à la messe pour inspirer confiance aux pères, mais attendez que les moines soient partis…

— Dans tous les cas, en admettant, contre toute vraisemblance que ces gaillards-là soient de bonne foi, ils seraient bien dans la tradition du Moyen-Age, fit M. Lampre, car la piété n’excluait pas une liesse un tantinet