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certaines espèces, telles que les roses de Noël étaient en pleine floraison et leurs fleurs d’un rose violâtre, d’une nuance maladive de cicatrice, de plaie qui se ferme, évoquaient bien l’idée d’une plante dangereuse, suant des sucs vénéneux, puant les poisons ; d’autres hellébores noires, aux feuilles déchiquetées, sciées et dentelées sur les bords, aux fleurs en coque roulée, étaient pis encore. À les arracher, on les trouvait munies de racines grêles, pareilles à ces cheveux qui pendent sur la boule des oignons. Les vieux botanistes du seizième siècle les appréciaient, disant qu’elles évacuaient le flegme et la colère et guérissaient la grattelle, l’impétigine, les rognes, les gales blanches et autres vices du sang ; mais elles n’en conservaient pas moins un aspect sinistre, avec leurs feuillages de deuil et le vert de pomme pas mûre de leurs fleurs qui, de même que leurs congénères, les roses de noël, baissaient toutes la tête, n’avaient pas cette allure franche et gaie de la flore saine.

Le jardin n’était rien moins qu’attrayant, à cette époque, avec ses taillis de plantes ratatinées et ses touffes de fleurs louches ; aussi Durtal n’y descendait guère. Il s’y promenait, ce matin-là, pour tuer les dix minutes qui le séparaient de l’heure du train. Pour une fois que le temps était propice, il projetait d’aller à Dijon — afin de réaliser quelques achats de cravates et de bottines retardés par la perspective de geler en wagon et de ne pouvoir se promener dans la ville — et il se disait : je puis d’autant mieux me dispenser d’assister à la grand’messe, ici, que je commence à la connaître par cœur. Elle est la même depuis six jours ; l’octave de l’épiphanie ayant, pour une semaine, refoulé le défilé des saints. Sans