Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se sont tus, que tout est retombé dans le noir, me voici réenvahi par une crue de chagrin, submergé par une marée de peines !

Le fait est que tout se gâte ; comment se désintéresser d’événements qui vont peut-être modifier, une fois de plus, ma vie ? Et si vous saviez, mon cher seigneur, ce que je suis las et, maintenant que j’ai trouvé un siège, ce que je voudrais y demeurer assis !

Il se ressouvenait, effaré, des menaces très rapprochées maintenant d’un Val des Saints vide. L’abbé avait loué près de Moerbeke, dans le pays de Waes, en Belgique, un château pour y loger ses moines et il avait résolu de ne pas attendre le deux octobre, époque assignée par la loi, comme dernier délai, pour s’y fixer. Il avait, dès sa rentrée dans son monastère, dépêché le père cellerier et le père hôtelier pour aller aménager les locaux, et aussitôt leur retour au Val des Saints, une première équipe devait être expédiée à Moerbeke pour prendre possession des lieux-et, peu à peu, le reste du couvent devait suivre. Ce n’était donc plus qu’une affaire de jours.

Les places vides des deux religieux dans le chœur lui rappelaient, dès qu’il pénétrait dans l’église, l’imminence de la fuite ; et il ne pouvait s’empêcher de sourire un peu amèrement, alors qu’avant la grand’messe, tous, profès et novices, persistaient à chanter les prières préservatrices de l’exil ; mais ils les chantaient sans entrain maintenant ; elles avaient été si mal accueillies, hélas !

Bientôt ils pourront substituer au psaume « Levavi oculos meos in montes » le 136e, le « Super flumina Babylonis », se disait-il, songeant que le séjour à l’étranger