Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/445

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lueurs incertaines d’un lumignon, les exercices liturgiques étaient pénibles.

Enfin, Durtal s’en tirait tant bien que mal ; mais la préoccupation de ne pas gaffer l’empêchait de se recueillir, de comprendre le sens même des versets qu’il psalmodiait. Il ne se reprenait qu’à cette minute où, avant de sortir de la chapelle, la prière individuelle est permise.

Il y avait pourtant, après sexte, un moment douloureux où l’oraison commune ramenait chacun à la réalité des alentours, le moment où le p. Paton, pour clore l’office, disait à voix basse :

— Divinum auxilium maneat semper nobiscum-que l’aide de Dieu demeure toujours avec nous.

— Et cum fratribus nostris absentibus, amen — et avec nos frères absents, ainsi soit-il — répliquaient les trois autres, en baissant aussi le ton.

Cette exoration, à des époques moins troublées, se référait simplement aux frères en voyage ; aujourd’hui, elle s’appliquait à tous les moines partis pour toujours peut-être de leur résidence ; et il y avait un silence après le répons, un rappel de la scène de l’embarquement au train, et de l’abandon où tous les quatre se trouvaient dans l’abbaye vide ; et l’on se quittait sans avoir le courage de se confier la tristesse de ses pensées.

Souvent, Durtal errait, le matin, quand sexte était terminée, dans les jardins de l’abbaye et il y fumait de mélancoliques cigarettes.

Délaissé même avant la fuite, car tous les convers avaient été employés aux empaquetages, le jardin devenait déjà un peu fou ; les herbes couraient dans les allées ; des tomates écrasées jonchaient la terre ; des poires se talaient