Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/83

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gigantesque les dominait tous, un arbre magnifique, un cèdre au feuillage bleuâtre. Il avait malheureusement opéré le vide autour de lui et tué tous les arbres, trop rapprochés de ses racines ou de ses branches, si bien qu’il se dressait, seul, sur une terre nue, semée de ses écailles où nulle plante, nulle fleur, ne se hasardait à pousser.

Ce jardin commençait, devant la maison, en une pelouse derrière laquelle des massifs d’arbustes et de fleurs s’enchevêtraient, coupés par de petites allées bordées de thym ; mais la partie vraiment charmante était celle qui longeait les murs ; là des ruelles serpentaient, lisérées, d’un côté, par la muraille qu’envahissaient les saxifrages et les valérianes, que résillaient à certaines places, les tiges grimpantes de la bryone aux fleurettes blanches ou aux granules rouges ; de l’autre, par de faux ébéniers, des buis énormes, des marronniers, des tilleuls et des ormes ; et, pour remplacer de vieilles souches mortes, Durtal y avait inséré, l’année d’avant, des sorbiers, des cognassiers, des néfliers et quelques-uns de ces érables dont les feuilles qui semblent enduites de sang, au renouveau, se bronzent, en vieillissant.

Au printemps, des gerbes de lilas embaumaient ces sentes et, vers la fin de mai, l’on y foulait aux pieds les fleurs des marronniers et les gousses de faux ébéniers, tombées ; l’on y marchait ainsi que sur une moquette, tramée de blanc et de rose et tachetée de gouttes d’or ; l’été, on y vivait, à l’ombre dans un bourdonnement d’abeilles, dans un ramage d’oiseaux jasant aux écoutes dans les taillis ; l’automne, lorsque le vent soufflait, l’on entendait des bruits de mer dans les peupliers et des