Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/87

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sur de nouvelles bases ; la question est de dénicher des végétations vivaces, faciles à élever, pouvant, au point de vue liturgique, servir de synonymes à celles qui refusent de subsister, sous ce climat très tempéré, dans ce sol ; mais il siérait pour cela de fouiller à fond la patrologie de Migne et ce n’est pas peu de chose !

— En somme, ce jardin ne presse pas, reprit-il ; j’ai encore besoin d’y réfléchir ; nous verrons plus tard ; occupons-nous, pour l’instant, Madame Bavoil, de celui de Walhafrid Strabo.

— Mais, qu’est-ce que c’est, à la fin, que ce Strabo dont vous me rebattez les oreilles depuis des mois ?

— Strabo ou Strabus, ce qui signifie le louche, est le nom ou plutôt le surnom d’un moine, disciple de Raban Maur, qui fut, au neuvième siècle, abbé du monastère de Reichenau, situé dans une île du lac de Constance. Il écrivit de nombreux ouvrages dont deux vies de saints en vers, celle de saint Blatmaic et celle de saint Mammès ; mais un seul de ses poèmes a surnagé, « l’Hortulus », celui justement où il décrit le jardinet de son abbaye ; — ce qui m’a valu, entre parenthèses — du père Philigone Miné, lorsque je lui ai demandé quelques explications sur la propriété des espèces citées par Strabo, cette phrase mémorable : « cet auteur serait parfaitement oublié, s’il n’avait composé que des poésies religieuses et des études liturgiques et c’est au poème pharmaceutique seul qu’il doit sa gloire. Vous qui vous piquez d’écrire, méditez, pour votre avenir, cette vérité, jeune homme ».

— Jeune homme ! Vous avez cinquante ans passés et vous êtes un peu grison, notre ami !