Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/101

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des ouragans et des incendies n’avait-elle pu détruire la vieille souche qui, replantée après chaque désastre, avait toujours reverdi en de plus vigoureuses pousses !

Ce matin-là, dans le petit jour d’un hiver pluvieux, cinglé d’une bise aigre, à Chartres, Durtal, frissonnant, mal à l’aise, quitta la terrasse, se réfugia dans des allées mieux abritées, finit par descendre dans d’autres jardins en contre-bas où l’on était vaguement préservé du vent par des halliers ; ces jardins dévalaient à la débandade et d’inextricables buissons de mûres accrochaient avec les griffes de chat de leurs tiges les arbustes qui dégringolaient, en s’espaçant, la pente.

L’on constatait que, depuis un temps immémorial, les évêques se désintéressaient, faute d’argent, de ces cultures. Parmi d’anciens potagers envahis par les ronces, un seul était à peu près émondé et des plants d’épinards et de carottes y alternaient avec les vasques givrées des choux.

Durtal s’assit sur le tronçon conservé d’un banc et il essaya de regarder un peu en lui-même ; mais il ne découvrait qu’une Beauce d’âme ; il lui semblait refléter cet uniforme et froid paysage comme en un miroir ; seulement, le grand vent ne soufllait plus sur son être, mais une petite bise rêche et sèche. Il se harcelait, désagréable, n’arrivait pas à s’adresser des observations, d’un ton calme ; sa conscience le tarabustait, entamait avec lui de hargneux débats.

L’orgueil ! comment l’atténuer en attendant que l’on puisse complètement le réduire ? il s’insinue si cauteleusement, si perfidement, qu’il vous enlace et vous lie,