Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/115

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c’est de vous guérir surtout de l’amitié, en un clin d’œil.

— Bah !

— Oui, imitant la pharmacopée homéopathique qui se sert encore de substances infâmes, de jus de cloporte, de venin de serpent, de suc de hanneton, de sécrétion de putois et de pus de variole, le tout enrobé dans du sucre de lait pour en céler la saveur et l’aspect, le monde des lettres triture, lui aussi, dans le but de les faire absorber sans hauts de cœur, les plus dégoûtantes des matières ; c’est une incessante manipulation de jalousie de quartier et de potins de loges, le tout, globulé dans une perfidie de bon ton, pour en masquer et l’odeur et le goût.

Ingérés à des doses voulues, ces grains d’ordures agissent, tels que des détersifs, sur l’âme, qu’ils débarrassent presque aussitôt de toute confiance ; j’avais assez de ce traitement qui ne me réussissait que trop et j’ai jugé utile de m’y soustraire.

— Mais, fit l’abbé, en souriant, le monde pieux n’est pas non plus exempt de commérages…

— Sans doute, je sais bien que la dévotion n’aère pas toujours l’intelligence, mais…

La vérité, reprit-il après avoir réfléchi, c’est que la pratique assidue de la religion produit généralement sur les âmes des résultats intenses. Seulement ils sont de deux sortes. — Ou elle accélère leur pestilence et développe en elles les derniers ferments qui achèvent de les putréfier, ou elle les épure et les rend fraîches et limpides, exquises ! — Elle façonne des hypocrites ou de franches et saintes gens ; il n’y a guère de milieu, en somme.