Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/116

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Mais quand la culture divine mondifie complètement les âmes, sont-elles assez candides et assez pures ! — Je ne parle même pas d’élus, tels que j’en vis à la Trappe — mais seulement de jeunes novices, de petits séminaristes que je connus. Ils avaient des yeux tels que de claires vitres que ne ternissait la buée d’aucune faute, et l’on eût aperçu, en se penchant, en regardant derrière elles, leur âme ouverte, brûlant en une couronne éperdue de flammes, nimbant d’une auréole de feux blancs la souriante Face !

En somme, Jésus occupe, dans leur intérieur, toute la place. Ces petits-là, ne vous semble-t-il pas, Monsieur l’abbé, qu’ils habitent tout juste leur corps, assez pour souffrir et pour expier les péchés des autres ? sans qu’ils s’en doutent, ils ont été créés pour être les bonnes auberges du Seigneur, les relais où Jésus se repose après qu’il a vainement parcouru les steppes glacées des autres âmes.

— Oui, mais repartit l’abbé qui retira ses lunettes et en essuya les verres avec un foulard, pour obtenir la qualité de semblables êtres, il a fallu combien de mortifications, de pénitences, de prières, de la part des générations dont ils naquirent ? ceux auxquels vous faites allusion sont la fleur d’une tige longuement nourrie dans un sol pieux. Evidemment l’Esprit souffle où il veut et il peut extraire d’une famille indifférente un Saint ; mais cette manière d’opérer s’atteste à l’état d’exception. Les novices que vous connaissez avaient eu sûrement des aïeules et des mères qui les incitaient souvent à s’agenouiller et à prier auprès d’elles.

— Je ne sais… j’ignore l’origine de ces jeunes gens…